Garraud, Colette: La chose au bout de mon regard

Katalogtext, in: Anna Tretter  Faraway Nearby, Le Musée de Valence (F) 1996 français deutsch

»Il est vrai à la fois que le monde est ce que nous voyons,
et que, pourtant, il nous faut apprendre à le voir.«

Maurice Merleau-Ponty (1)

Récemment, pour son installation Kunjunktiva, en Avril 1996, Anna Tretter utilisait l’espace de la galerie Huberte Goote à Zug à la fois pour sa forme architecturale, irrégulière et complexe, avec ses pans de murs en épis obliquement orientés qui permettaient de jouer sur les vis-à-vis, et pour sa situation particulière en un point où l’espace urbain s’ouvrait au »paysage«: le lac, en l’occurence, borné au loin par des collines, et longé, dans les premiers plans, par la triple linéarité de la route, d’un rang de jardinière et d’une balustrade. Ce qui frappe, dans cette installation dispersée, c’est son caractère centrifuge. A partir d’un centre, l’espace d’exposition proprement dit, laissé vide, le regard s’échappe vers l’extérieur, soit par les fenêtres, soit par le reflet de ces fenêtres dans trois miroirs disposés de façon à toujours renvoyer une image du dehors, soit encore par le truchement d’un poster (la photographie du lac), ou d’une vue plongeante de ce même lac projetée sur l’un des murs et transmise en direct par une caméra placée sur les toits. Pour partie transformée en observatoire, la galerie n’est pas pour autant un lieu neutre, un simple point de vue, car les spectateurs qui déambulent dans cet espace, reflétés par les miroirs, font eux-mêmes partie de l’œuvre, et ce qui est perçu, ce sont les modifications simultanées, mais différentes, du dehors et du dedans, et leur interactions, leur »conjonctions« comme le souligne le titre voulu par Anna Tretter. Il s’agit aussi de soumettre à l’interrogation l’évidence sensible, de remettre en cause les certitudes d’une perception engourdie par l’habitude.
La réalité, son image sur la photographie, son reflet dans le miroir, son fantôme dans la projection, sont visibles simultanément: l’image de l’objet ne se substitue pas, comme d’ordinaire, mais se juxtapose à l’objet représenté. L’installation recourt à toutes les formes de la bidimensionalité et de l’illusion mimétique des trois dimensions, à l’exception de la peinture. Mais comment ne pas penser que toute la tradition illusionniste, essentiellement picturale, se trouve convoquée, en quelque sorte »en creux«? On se souvient, entre autres, que dans les allégories des cinq sens, fenêtres et miroirs venaient symboliser la vue, conjugués avec un troisième élément, manquant ici, ou, si l’on veut, remplacé par la photographie: le tableau dans le tableau.
Cette utilisation savante de la distribution de l’espace et ces appareillages qui évoquent simultanément, comme l’a noté Beatrix Ruf »le mythe de Narcisse, la parabole de la caverne de Platon, et les lois de la perspective« (2) visent en outre à nous montrer dans une apparente tautologie, cela même que, sans l’intervention de l’artiste, nous aurions vu, sans doute – mais l’aurions nous reconnu? La mise à distance spéculaire de la réalité conduit paradoxalement à son irruption dans la conscience.
»Lorsque je suis devant un miroir, dit Anna Tretter, et que je veux toucher un côté de ma tête, j’hésite, je cherche le geste juste. C’est la même chose lorsque je dois fermer mon manteau«. L’utilisation du miroir n’a pas pour but d’égarer le spectateur à la façon d’un trompe-l’œil. Ce que l’artiste cherche à mettre en évidence se tient plutôt, dit-elle, »entre la réalité et l’illusion«. Il s’agit en fait, par le recours à l’illusion, de susciter une conscience avivée de l’étrangeté du monde, de montrer ce qui est déjà là. Mais aussi de restituer à notre regard son caractère faillible, incertain, comme un tremblement oublié, et à l’objet qui se tient sous ce regard, cette »subtile inconstance des choses perçues« dont parlait Meyer Schapiro à propos de Cézanne.
Au mois de mai dernier, en se promenant dans les environs de Valence, Anna Tretter trouve sur son chemin un objet intriguant qui s’avère être un bloc de sel pur destiné à l’alimentation des chevaux. Les »blocs pâtures« une fois léchés, prennent des formes asymétriques et douces, aux surfaces polies, aux angles émoussés, évoquant lointainement quelque ossement fossilisé. Le matériau, plutôt tendre et qui pourrait faire songer à l’albâtre, révèle, vu de près, une structure cristalline: les blocs sont obtenus en compactant le sel de mer avec de puissantes machines. Parmi les projets que Anna Tretter a élaboré autour de cet objet, il y avait celui de réaliser des sculptures de sel (éventuellement de sel gemme), les unes montrées dans l’espace muséal, protégées du contact et des intempéries, régulières, géométriques, formes qu’elle qualifie encore d’ »idéales« ou de »théoriques«, car elles auraient reflété une volonté humaine d’ordonnancement, les autres, à l’origine identiques aux premières, mais exposées à la pluie, aux animaux, soumises aux effets d’une »pratique« imprévisible, avant de disparaître tout à fait. On retrouve là l’idée très ancienne d’un jeu dialectique provoqué entre culture et nature, ordre et chaos, modèle géométrique et forme organique, qui a présidé, par exemple, à la conception des jardins maniéristes. La projection d’une vidéo aurait montré un »bloc pâture« en situation, soulignant la correspondance entre l’intérieur et l’extérieur. Anna Tretter attachait aussi une importance particulière au fait de revenir à la sculpture qu’elle a beaucoup pratiquée – car son travail n’a pas toujours consisté en installations vidant, pour ainsi dire, les lieux d’exposition –, revenir à la fabrication d’objets afin, ensuite, dit-elle de les »perdre«.
En même temps qu’elle s’intéresse à l’aspect mythique des matériaux (elle évoque à propos du sel l’histoire de la femme de Loth), Anna Tretter se plaît à explorer les propriétés des substances qu’elle utilise, d’une façon qui parfois rappelle le Tom-Tit de nos grands-pères:4 sur sa table de travail, dans un verre empli d’une solution saturée de sel, plonge depuis un mois un fil suspendu à un crayon, qui disparaît maintenant sous une épaisse croûte de cristaux. Les conditions de la rencontre avec l’objet qui va servir de matrice à son propre travail ne sont pas non plus sans signification pour une artiste qui croit à la vertu de ce que le hasard lui propose dès lors qu’elle sort de son atelier, et se montre particulièrement réceptive aux environnements naturels ou urbains.
La solution qu’elle a finalement retenue s’éloigne de son projet initial à la fois par sa simplification (suppression de la projection, de l’intervention à l’extérieur) et par sa sophistication. Il s’agit de quatre sculptures en marbre imitant exactement, à l’échelle un, les un bloc de sel léchés par les chevaux, et suspendues, comme l’était leurs modèles, dans la nature. Lorsqu’on a en main les deux séries d’objets – mais le spectateur n’en verra qu’une – la ressemblance de couleur, de texture, de poli, est saisissante. Et cependant, rien n’est plus éloigné, dans leur fonction, que ces deux matériaux, l’un alimentaire, ordinaire, périssable, l’autre dur, résistant, noble et consacré par l’histoire: la disposition des pièces à l’entrée du musée, non loin des capitèles romains, à cet égard, n’est pas innocente. Le spectateurse trouve confronté à l’énigme d’une forme qu’il a peut-être lui-même rencontrée, mais à laquelle il ne s’était pas arrêté. Là encore, il y a irruption dans le lieu de l’art d’un réel extérieur dont l’étrangeté est au passage soulignée. Anna Tretter ne rejette pas la comparaison qui vient à l’esprit avec le Essere fiume de Penone (5) – deux pierres identiques, dont l’une, naturellement érodée, a été ramassée dans le lit d’une rivière et l’autre réalisée par l’artiste à l’imitation de la première – mais fait cependant remarquer qu’elle ne s’est pas engagée physiquement dans la fabrication de l’objet, mais de façon plus distanciée, ou si l’on veut, plus conceptuelle, elle en a simplement commandé l’exécution. Il s’agit encore, en pérennisant un état transitoire de la forme en voie de disparition, d’interrompre, symboliquement, un processus de mort. C’est, à ses yeux, une des fonctions essentielles du geste artistique.
Dans l’entrée de la salle, le spectateur passe devant deux vidéos différentes d’un même phénomène, au demeurant très ordinaire, l’un de ces presque rien que l’artiste sauve parfois de l’indifférence: sur la surface tremblante de deux récipients qui débordent, l’eau continue de s’écouler goutte à goutte, mais pas de façon synchrone sur les deux écrans, de sorte que les sons clairs s’enchaînent selon une »composition« élémentaire et aléatoire. On peut songer au bruit d’un feuillage détrempé qui s’égoutte après la pluie, mais ici, le tempo est prévisible et peut être contrôlé par le regard: attention extrême portée, une fois encore, aux événements minuscules ainsi qu’aux mécanismes de la perception. Les vidéos ont été prises par ailleurs avec un filtre, rouge pour l’une, réalisée en Allemagne avec un récipient de métal, verte pour l’autre, faite à Valence, où l’on voit un bocal de verre. A propos de ces couleurs qui apparaissent à deux reprises dans l’exposition. Anna Tretter cite tantôt les projecteurs utilisés au théâtre, les »poursuites«, qui, lorsque leurs faisceaux se croisent, génèrent une lumière blanche, tantôt les lunettes teintées qui permettent de voir une image plate dans les trois dimensions. Dans les deux cas, la couleur, projection lumineuse ou filtre, n’est présente que comme un filet immatériel jeté sur une réalité dont elle a simplement modifié l’aspect coloré.
A l’heure ou l’on écrit ces lignes, la dernière pièce qui sera montrée au Musée de Valence n’est pas encore réalisée. Il s’agira de deux écrans circulaires, probablement de verre dans un cadre d’acier, dont la forme doit faire écho à la paroi convexe qui vient manger un angle de la pièce, placés en épis sur deux murs, selon une orientation qui sera déterminée sur place, de façon à intercepter le regard sur l’espace même, et, au-delà, à travers une fenêtre grillagée, sur les montagnes environnantes. La mise au point de l’installation se fera de façon empirique car, dit Anna Tretter, »l’espace change l’objet et l’objet change l’espace«. Auparavant, un dispositif, à plus petite échelle, réalisé au forum d’art contemporain à Otterndorf (6), lui a permis d’observations comparaids.
Ce dont on s’approche et ce dont on s’éloigne, ce qui est là réellement et ce qui est là virtuellement, ce qui est dehors et ce qui est dedans, ce qui demeure et ce qui disparaît, ce qui s’éprouve physiquement et ce qui n’est plus qu’une trace dans la pensée. Faraway, Nearby.
Ainsi, en progressant dans l’exposition, le spectateur sera d’abord confronté à des objets, qui, pour déroutants qu’ils soient, n’en sont pas moins des sculptures, au sens traditionnel du terme. Comme si l’artiste renonçait progressivement à l’ambition d’ajouter au monde, pour s’en tenir à la désignation du monde tel qu’il est. Comme si la réalité, au bout du compte, était la plus forte, dès lors qu’un dispositif nous a contraint à jeter sur elle un regard neuf.
Le »monde est ce que nous voyons«, disait Merleau-Ponty mais encore faut-il »égaler par le savoir cette vision, en prendre possession, dire ce que c’est que nous, et ce que c’est que voir, faire comme si nous n’en savions rien, comme si nous avions tout à apprendre« (7). Derrière une apparente humilité, le caractère impérieux de la pensée philosophique, son âpreté à soumettre à son ordre, dans une clarté définitive et pétrifiante, à la fois le monde en tant que chose perçue et le sujet en tant que corps percevant, se manifestent ici avec force. Sans doute l’artiste, pour sa part, plutôt qu’à s’établir dans un savoir, cherche-t-il à se maintenir dans l’étonnement. Il a choisi l’impureté foncière d’une pensée incarnée, et sa maîtrise est tissée d’abandon. Mais ne partage-t-il pas néanmoins une des aspirations fondamentales du philosophe, s’il est vrai que »ce sont les choses mêmes,du fond de leur silence, que (celui-ci) veut conduire à l’expression« (8).

1 Maurice Merleau-Ponty, Das Sichtbare und das Unsichtbare, 1964, Gallimard, S.18. Der Titel dieses Textes bezieht sich auf dieses Werk: …hier möchte ich nur bemerken, daß das Ding am Ende meines Blicks ist und, weiter gefaßt, ein Ausläufer meiner Sinnesorgane. Ebda S. 21
2 Beatrix Ruf, Spieglein, Spieglein … der Hinterhalt der Objektivität, in Anna Tretter Konjunktiva eine Raumarbeit, Kat. 1996
3 Meyer Shapiro, Paul Cézanne, Nouvelles éditions francaises, 1956
4 Tom-Tit, La science amusante, 100 expériences, Larousse, 1890
5 Guiseppe Penone, Essere Fiume (der Fluß sein), 1981
6 Kuckucksei, Museum Moderne Kunst, Landkreis Cuxhaven, studio a, sammlung konkreter kunst, Otterndorf, faraway nearby, 1996. Die Kreise haben 80cm Durchmesser.
7 Maurice Merleau-Ponty, Das Sichtbare und das Unsichtbare, Zitat S. 18 ebda S. 18

Colette Garraud: Das Ding am Ende meines Blicks

»Es ist wahr, daß die Welt ist,
was wir sehen, und daß wir sie gleichzeitig
sehen lernen müssen«

Maurice Merleau-Ponty (1)

In der Galerie Huberte Goote in Zug nutzt Anna Tretter im April 1996 mit der Arbeit Kunjunktiva einerseits die unregelmäßige und komplexe Architektur, mit schräg zueinanderstehenden Wandflächen, die es ermöglichen, ein Gegenüber zu schaffen, und andererseits die besondere Situation der Galerie an der Stelle, wo die Stadt sich zur Landschaft hin öffnet, zum See hin, der in der Ferne von Hügeln abgeschlossen und davor von drei Linien – der Straße, einer Reihe von Gärten und einer Balustrade – begrenzt wird. Das bemerkenswerte an dieser Installation ist ihre Schwungkraft. Vom leeren Zentrum des eigentlichen Ausstellungsraums flieht der Blick auf verschiedene Weise nach außen. Entweder durch die Fenster oder durch drei Spiegel, die so angebracht sind, daß sie immer ein Bild von außen durch die Fenster reflektieren, oder durch ein Poster, einer Fotografie des Sees, oder durch die Steilansicht des Sees, die live von einer auf dem Dach plazierten Kamera auf eine der Wände projiziert wird. Verwandelt in ein Observatorium, ist die Galerie dennoch kein neutraler Ort und Standpunkt, denn die umhergehenden Besucher sind durch ihre Spiegelung Teil des Werks. Das Wahrgenommene sind die simultanen aber verschiedenen Veränderungen von Außen und Innen und ihr Zwischenspiel, ihre »Konjunktionen«, wie es der Titel der Arbeit ausdrückt. Es dreht sich auch darum, die spürbare Wirklichkeit zu hinterfragen und die Gewissheiten einer durch Gewohnheit eingeschläferten Wahrnehmung anzuzweifeln.
Die Wirklichkeit, ihr fotografisches Bild, ihre projizierten Schemen und ihr Spiegelbild sind gleichzeitig sichtbar: das Objekt wird nicht wie üblich von seinem Bild ersetzt, sondern steht neben ihm. In dieser Installation werden sämtliche zweidimensionalen und mimetischen Darstellungsformen verwendet, außer der Malerei. Dennoch spielt das Werk auf die gesamte illusionistische Bildtradition an. Wir erinnern uns unter anderem an die Allegorien der fünf Sinne, bei denen Fenster und Spiegel das Augenlicht symbolisieren, gemeinsam mit einem hier fehlenden dritten Element, dem Bild im Bild, das in diesem Fall durch die Fotografie ersetzt ist.
Diese sachkundige Aufteilung des Raumes und diese Apparaturen, die nach Beatrix Ruf an den »Mythos von Narziss, Platons Höhlengleichnis und die Gesetze der Perspektive« (2) erinnern, führen uns in einer augenscheinlichen Tautologie vor. Ohne den Eingriff der Künstlerin hätten wir sicherlich gesehen, aber hätten wir es erkannt? Die Realität wird paradoxerweise durch die im Spiegel entrückte Wirklichkeit unterbrochen.
       »Sobald ich vor einem Spiegel stehe,« sagt Anna Tretter, »zögere ich, suche die richtige Geste, wenn ich eine Seite meines Kopfes berühren will. Schließe ich meinen Mantel, geschieht dasselbe.« Sie verwendet den Spiegel nicht, um den Betrachter mit einem trompe-l’œil- Effekt zu verwirren. Was sie hervorkehren will befindet sich »zwischen Wirklichkeit und Illusion«. Benutzt sie die Illusion, möchte sie das Bewußtsein für die sonderbare Welt schärfen, das zeigen, was schon vorhanden ist. Sie möchte unseren Blick auf ihren ungewissen und fehlbaren Charakter lenken, einem vergessenen Zittern gleich, und auf das Objekt, auf das dieser Blick gerichtet ist, »dieser subtilen Unbeständigkeit der wahrgenommenen Dinge« (3), von denen Meyer Schapiro in Bezug auf Cézanne spricht.
Im vergangenen Mai fand Anna Tretter auf einem Weg im Umland von Valence ein Objekt, das ihre Neugierde weckte und sich als Klumpen puren Salzes entpuppte, das zur Ernährung von Pferden dient. Die »Futterblöcke« nehmen, nachdem sie angeleckt sind, asymmetrische und weiche Formen an, die glatten Oberflächen und stumpfen Kanten erinnern entfernt an versteinerte Gerippe. Dieses eher weiche, alabasterartige Material, weist aus der Nähe betrachtet, eine kristalline Struktur auf, denn die Blöcke werden aus Meersalz mit Hilfe von kräftigen Maschinen gepreßt. Ausgehend diesem Objekt erarbeitete Anna Tretter Projekte für den Innen- und Außenbereich. Zum einen realisierte sie gleichmäßige, geometrische Salzskulpturen für das Museum, aus Steinsalz, witterungsgeschützt. Formen, die sie als »ideal« oder »theoretisch« bezeichnet, da sie den menschlichen Drang zur Ordnung aufweisen. Die anderen »Lecksteine« waren zunächst mit den ersten identisch, bevor sie dem Regen, den Tieren, den Folgen einer unvorhersehbaren »Praxis« unterworfen wurden, bevor sie vollständig verschwanden. Hier finden wir die alte Idee des dialektischen Spiels zwischen Kultur und Natur wieder, zwischen Ordnung und Chaos, dem geometrischen Modell und der organischen Form, die zum Beispiel der Konzeption manieristischer Gärten zugrunde liegt. Die Videoprojektion eines »Lecksteins« in situ hätte den Zusammenhang zwischen Innen und Außen unterstrichen. Anna Tretter maß der erneuten Herstellung von Skulpturen eine besondere Bedeutung bei, um sie danach zu »verlieren« – was sie oft tat, denn ihre Arbeit bestand nicht immer aus Installationen, die die Ausstellungsorte leerten.
Gleichzeitig interessiert sie die mythologische Seite der Materialien. Salz ruft ihr das Schicksal von Loths Frau ins Gedächtnis. Mit großer Freude erforscht Anna Tretter die Eigenschaften der verwendeten Substanzen auf eine Weise, die oft dem Tom-Tit4, den Taschenspielertricks unserer Großväter ähnelt. Auf ihrem Arbeitstisch steht seit einem Monat ein Glas voll gesättigter Salzlösung, darin ein Faden an einem Stift aufgehängt, der mittlerweile unter einer dicken Kristallkruste verschwindet. Für eine Künstlerin, die an die Tugend des Zufalls glaubt, sobald sie das Atelier verläßt, sind die Bedingungen von Bedeutung, unter denen sie einem Objekt begegnet, da sie die Matrix für die eigene Arbeit bilden. Sie zeigt sich ausgesprochen empfänglich für natürliche und städtische Umgebungen.
Letztendlich entschied sich Anna Tretter für ein Projekt, das sich durch Einfachheit auszeichnet (keine Projektion, kein Eingriff in den Außenbereich, Beschränkung auf eine einzelne Arbeit), und durch Künstlichkeit. So entfernt sie sich von ihrem ursprünglichen Plan. Es handelt sich um vier Marmorskulpturen, die im Maßstab eins zu eins die von Pferden angeleckten Salzblöcke nachbilden und auch so aufgehängt sind. Wenn man die beiden Objekte in Händen hält – jedoch wird der Betrachter nur eine davon sehen – erscheint ihre Farbe, Oberflächenbeschaffenheit und Glätte verblüffend ähnlich. Obwohl die beiden Materialien gegensätzliche Funktionen besitzen – das eine ist lebensnotwendig, einfach und vergänglich, das andere hart, widerstandsfähig, edel und durch die Geschichte geweiht – ist die Plazierung des Stücks im Eingang des Museums unweit der römischen Kapitelle beabsichtigt. Der Betrachter sieht sich zunächst mit einer rätselhaften Form konfrontiert, der er vielleicht schon begegnet ist, ohne vor ihr anzuhalten. Auch hier wird an einem Ort der Kunst die äußere Wirklichkeit unterbrochen, deren Eigentümlichkeit beiläufig unterstrichen wird. Anna Tretter scheut nicht den Vergleich mit der Arbeit Essere fiume von Penone6 – zwei gleichen Steinen, wovon einer natürlich erodiert aus einem Bachbett stammt, und der andere vom Künstler imitiert wurde. Sie bemerkt jedoch, daß sie nicht physisch an der Herstellung des Objekts beteiligt war, sondern auf distanzierte, konzeptuelle Art seine Ausführung delegierte. Indem ein transitorischer Zustand der verschwindenden Form festgehalten wird, handelt es sich auch hier um die symbolische Unterbrechung eines Sterbeprozesses. In ihren Augen ist dies eine der grundlegenden Funktionen der künstlerischen Geste.
Im Eingangsbereich des Raums kommt der Betrachter an zwei verschiedenen Videos vorbei, die scheinbar schlicht, ein und dasselbe Phänomen zeigen. Dargestellt ist, was die Künstlerin vor der Gleichgültigkeit gerettet hat: auf die zitternde Oberfläche zweier überlaufender Behälter tropft ständig Wasser, jedoch asynchron auf beiden Bildschirmen, so daß die hellen Geräusche nach einer elementaren und zufälligen Komposition aufeinanderfolgen. Man denkt an das Abtropfen aufgeweichten Blattwerks nach dem Regen. Dennoch ist hier das Tempo vollständig absehbar, und kann durch den Blick kontrolliert werden. Auch hier wird den kleinsten Ereignissen und den Wahrnehmungsmechanismen höchste Aufmerksamkeit geschenkt. Ein Videofilm wurde mit grünem Filter, ein anderer in einem Metallbehälter mit Rotfilter aufgenommen. Einmal spielt Anna Tretter auf die im Theater verwendeten »Verfolger« an, ein andermal auf die gefärbten Brillengläser, mit deren Hilfe flache Bilder dreidimensional erscheinen. In beiden Fällen ist die Farbe als Lichtprojektion oder gefiltert ausschließlich als immaterielles Netz vorhanden, das über eine Wirklichkeit geworfen ist, deren Erscheinung sie einfach nur farblich verändert hat.
Während diese Zeilen geschrieben werden, ist das letzte Werk für das Museum in Valence noch nicht fertiggestellt. Es wird sich um zwei kreisförmige Blenden handeln, wahrscheinlich aus Glas in Stahlrahmen gefaßt, die eine gekrümmte Wand erwidern, die eine Raumecke verdeckt. Direkt auf die Wand montiert, in einer Richtung, die vor Ort noch bestimmt werden muß, sollen sie den Blick auf den Raum selbst richten, und darüber hinaus durch ein Gitterfenster auf die umliegenden Berge lenken. Ihre endgültige Montage soll vor Ort stattfinden, da nach Anna Tretter »der Raum das Objekt, und das Objekt den Raum verändert«. Diese Beobachtung hat sie zuvor in kleinerem Ausmaß im studio a in Otterndorf (6) machen können.
Faraway, Nearby: [(an was man sich nähert und wovon man sich entfernt, was wirklich und was möglicherweise vorhanden ist, was draußen und was drinnen ist, was bleibt und was verschwindet, was körperlich erfahrbar ist und nurmehr eine Gedankenspur bleibt.)]
Schreitet der Betrachter durch die Ausstellung, wird er zunächst mit Objekten konfrontiert, die, sei dies noch so verwirrend, im traditionellen Wortsinn eine Skulptur sind.
Als ob die Künstlerin zunehmend davon absieht, der Welt etwas beizufügen, um sich mit der Bestimmung der gegenwärtigen Welt zu bescheiden. Als ob die Wirklichkeit letztendlich immer die Stärkere bleibt, sobald uns etwas dazu gezwungen hat, auf sie einen neuen Blick zu werfen.
»Die Welt ist was, wir sehen«, sagte Merleau-Ponty. Man muß aber auch »diese Vision mit dem Wissen ausgleichen, sie in Besitz nehmen, sagen können, wer wir sind und was sehen ist, so tun als ob wir davon nichts wüßten, als ob wir noch alles zu lernen hätten« (7). Hinter einer scheinbaren Bescheidenheit offenbaren sich hier der gebieterische Charakter der philosophischen Denkweise und ihre Strenge, mit der sie in einer endgültigen und versteinernden Klarheit die Welt als wahrgenommene Sache und das Subjekt als wahrnehmenden Körper sich unterordnen will. Die Künstlerin versucht ihr Erstaunen aufrecht zu halten, baut weniger auf das Wissen. Sie hat sich für die tiefe Unreinheit des inkarnierten Denkens entschieden. Ihre Meisterschaft ist ein Gewebe aus Verzicht. Wenn es stimmt, daß »(durch sie) den Dingen aus den Tiefen ihrer Stille zum Ausdruck verholfen werden soll«, teilt sie dann nicht wenigstens einen der grundlegenden Wünsche mit der Philosophie? (8)

1 Maurice Merleau-Ponty, Das Sichtbare und das Unsichtbare, 1964, Gallimard, S.18. Der Titel dieses Textes bezieht sich auf dieses Werk: …hier möchte ich nur bemerken, daß das Ding am Ende meines Blicks ist und, weiter gefaßt, ein Ausläufer meiner Sinnesorgane. Ebda S. 21
2 Beatrix Ruf, Spieglein, Spieglein … der Hinterhalt der Objektivität, in Anna Tretter Konjunktiva eine Raumarbeit, Kat. 1996
3 Meyer Shapiro, Paul Cézanne, Nouvelles éditions francaises, 1956
4 Tom-Tit, La science amusante, 100 expériences, Larousse, 1890
5 Guiseppe Penone, Essere Fiume (der Fluß sein), 1981
6 Kuckucksei, Museum Moderne Kunst, Landkreis Cuxhaven, studio a, sammlung konkreter kunst, Otterndorf, faraway nearby, 1996. Die Kreise haben 80cm Durchmesser.
7 Maurice Merleau-Ponty, Das Sichtbare und das Unsichtbare, Zitat S. 18 ebda S. 18

Colette Garraud, in: Anna Tretter  Faraway Nearby, Le Musée de Valence (F) 1996
Deutsche Übersetzung: Olaf Probst